vendredi 6 février 2015

Ne pas océaniser



















Poésie et peinture. Un livre à quatre mains

Le livre d'Alain Le Saux et Kathy Diascorn a été édité à 150 exemplaires dont 100 numérotés. Ne pas océaniser: tel est le titre du livre réalisé par Alain Le Saux, pour le texte, et Kathy Diascorn, pour la peinture. Tous deux participent aux portes ouvertes d'ateliers d'artistes qui se poursuivent aujourd'hui. « La poésie m'intéressait depuis longtemps, lui regardait bien la peinture», explique Kathy Diascorn, en regardant Alain Le Saux. C'est ainsi que le contact, noué au départ dans un cours de tai-chi, s'est développé. Aucun des deux n'avait réalisé jusque-là un livre d'artiste. Il a donc fallu mûrir quelque chose ensemble, trouver un rythme, rencontrer l'imprimeur idoine, travailler aussi le graphisme avec Didier Pavois. La matière première existait. Alain Le Saux avait un texte, en partie inspiré d'un séjour à Tétouan, cité du nord du Maroc. «Un recueil de ruptures avec le passé, l'autre, soi», explique-t-il. Alain Le Saux trouve aussi des points communs entre Tétouan et Brest, mais aussi Rosario (Argentine), où il a été en résidence, suffisamment pour envisager un travail sur « les villes mélancoliques ».
« Collisions créatrices » De son côté, Kathy Diascorn est venue pour le livre avec une série de photos et d'images réalisées en 2006, autour des brise-lames qui protègent la ville de Saint-Malo. Les reflets dans l'eau et le goémon, notamment, y alimentent une sensation d'insaisissable. Le travail majeur, entre les deux artistes, a été celui d'épuration. «On a envie d'en mettre beaucoup, le plus dur est d'enlever, de laisser juste ce qu'il faut», commente Kathy Diascorn. «Notre souhait n'était pas de faire joli, de ne pas déranger», ajoute Alain Le Saux. Ne travaillant pas sur une commande mais par envie, tous deux ont plutôt essayé d'arriver à des « collisions créatrices ». Chacun des 150 exemplaires, un bel objet au final, diffère aussi à sa façon.  Le titre Ne pas océaniser s'est imposé aux auteurs: c'est ce qui figurait en toutes lettres sur un bateau ne se trouvant pas loin de l'Abeille-Bourbon, au port. La couverture du livre renvoie à la texture riche de la voile. Pour la mettre à sa main, Kathy Diascorn a beaucoup utilisé du noir de vigne et du bleu de Prusse.
Vincent Durupt © Le Télégramme 


                  L’exil est un soleil voilé
                  L’exil joue à saute-verbe
                  entre mémoires en flammes

                  L’exil débusque un grillon
                 dans la voix d’un muezzin

                 L’exil vague dans la vague
                 fond d’oeil fond de bouche
                 débusqué à un coin de rue

                Sur une table de café
                dans le tournis des mouches

                à jouer avec l’ombre
                qui avance entre les voix

                 À jouer avec le serveur
                qui virevolte derrière sa digue
                À jouer avec l’exil
                et ses cartes graisseuses

                et ses osselets blancs et rouges
                L’eau des exils sur les peaux
                des tambours muets
                dans le jaune blafard des rues
                couchées, dans le terne des bonsoirs
                jetés yeux fermés

                L’exil non pas ce licol des bêtes
                perdues
               non pas ces foyers de cendre froide

               Comment dire : j’exècre les vivants rivés ?

               Comment se survivre en ex-il ?


 
Ne pas océaniser Livre d’artiste, août 2009, tiré à cent cinquante exemplaires, dont cent numérotés à la main ; ouvrage non broché, 44 pages, 340 X 250 mm, avec empreintes à l’acrylique, collages et calques quadrichromiques de Kathy DiASCORN, sur un texte d’Alain LE SAUX.
Imprimerie Cloitre, Saint-Divy, 70 €