Poésie et peinture. Un livre à quatre mains
Le livre d'Alain Le Saux et Kathy
Diascorn a été édité à 150 exemplaires dont 100 numérotés. Ne
pas océaniser: tel est le titre du livre réalisé par Alain Le
Saux, pour le texte, et Kathy Diascorn, pour la peinture. Tous deux
participent aux portes ouvertes d'ateliers d'artistes
qui se poursuivent aujourd'hui. « La poésie m'intéressait
depuis longtemps, lui regardait bien la peinture», explique Kathy
Diascorn, en regardant Alain Le Saux. C'est ainsi que le contact,
noué au départ dans un cours de tai-chi, s'est développé. Aucun
des deux n'avait réalisé jusque-là un livre d'artiste. Il a donc
fallu mûrir quelque chose ensemble, trouver un rythme, rencontrer
l'imprimeur idoine, travailler aussi le graphisme avec Didier Pavois.
La matière première existait. Alain Le Saux avait un texte, en
partie inspiré d'un séjour à Tétouan, cité du nord du Maroc. «Un
recueil de ruptures avec le passé, l'autre, soi», explique-t-il.
Alain Le Saux trouve aussi des points communs entre Tétouan et
Brest, mais aussi Rosario (Argentine), où il a été en résidence,
suffisamment pour envisager un travail sur « les villes
mélancoliques ».
« Collisions créatrices » De son côté,
Kathy Diascorn est venue pour le livre avec une série de photos et
d'images réalisées en 2006, autour des brise-lames qui protègent
la ville de Saint-Malo. Les reflets dans l'eau et le goémon,
notamment, y alimentent une sensation d'insaisissable. Le travail
majeur, entre les deux artistes, a été celui d'épuration. «On a
envie d'en mettre beaucoup, le plus dur est d'enlever, de laisser
juste ce qu'il faut», commente Kathy Diascorn. «Notre souhait
n'était pas de faire joli, de ne pas déranger», ajoute Alain Le
Saux. Ne travaillant pas sur une commande mais par envie, tous deux
ont plutôt essayé d'arriver à des « collisions créatrices ».
Chacun des 150 exemplaires, un bel objet au final, diffère aussi à
sa façon. Le titre Ne pas océaniser
s'est imposé aux auteurs: c'est ce qui figurait en toutes lettres
sur un bateau ne se trouvant pas loin de l'Abeille-Bourbon, au port.
La couverture du livre renvoie à la texture riche de la voile. Pour
la mettre à sa main, Kathy Diascorn a beaucoup utilisé du noir de
vigne et du bleu de Prusse.
Vincent Durupt © Le Télégramme
Vincent Durupt © Le Télégramme
L’exil est un soleil voilé
L’exil joue à saute-verbe
entre mémoires en flammes
L’exil débusque un grillon
dans la voix d’un muezzin
L’exil vague dans la vague
fond d’oeil fond de bouche
débusqué à un coin de rue
Sur une table de café
dans le tournis des mouches
à jouer avec l’ombre
qui avance entre les voix
À jouer avec le serveur
qui virevolte derrière sa digue
À jouer avec l’exil
et ses cartes graisseuses
et ses osselets blancs et rouges
L’eau des exils sur les peaux
des tambours muets
dans le jaune blafard des rues
couchées, dans le terne des bonsoirs
jetés yeux fermés
L’exil non pas ce licol des bêtes
perdues
non pas ces foyers de cendre froide
Comment dire : j’exècre les vivants rivés ?
Comment se survivre en ex-il ?
Ne pas océaniser Livre d’artiste, août 2009, tiré à cent cinquante exemplaires, dont cent numérotés à la main ; ouvrage non broché, 44 pages, 340 X 250 mm, avec empreintes à l’acrylique, collages et calques quadrichromiques de Kathy DiASCORN, sur un texte d’Alain LE SAUX.
Imprimerie Cloitre, Saint-Divy, 70 €